Nucléaire : quatre questions sur la fermeture de 17 réacteurs évoquée par Nicolas Hulot
Le ministre de la Transition écologique s'est risqué, lundi, à parler de fermer "peut-être jusqu'à 17" réacteurs nucléaires. Explications.
Nicolas Hulot a-t-il parlé trop vite ? Le ministre de la Transition écologique s'est risqué à parler de fermer "peut-être jusqu'à 17" réacteurs nucléaires, lundi 10 juillet. Objectif : permettre la transition énergétique à l'horizon 2025. Mais tout reste encore ouvert dans ce vaste chantier aux multiples inconnues. Voici ce qu'il faut retenir de cette annonce en quatre questions.
1Que propose Nicolas Hulot ?
Le ministre l'a rappelé sur RTL lundi matin : la loi sur la transition énergétique prévoit de réduire la part de l'atome dans la production d'électricité de 75% à 50% à l'horizon 2025. "Chacun peut comprendre que pour tenir cet objectif, on va fermer un certain nombre de réacteurs (...). Laissez-moi planifier les choses, ce sera peut-être jusqu'à 17 réacteurs, il faut qu'on regarde", a-t-il précisé. Soit un tiers du parc nucléaire français. Nicolas Hulot suit ainsi les recommandations de la Cour des comptes, qui avait chiffré en 2016 de "17 à 20" le nombre de réacteurs à fermer pour atteindre l'objectif des 50%.
Cette sortie intervient quelques jours après la présentation par Nicolas Hulot du plan climat pour le quinquennat. Ce dernier fixe un certain nombre d'orientations dans le secteur de l'énergie, mais n'avait pas totalement convaincu les observateurs, faute de mesures concrètes, notamment sur les moyens pour réduire la part du nucléaire. Le ministre n'en a pas dit plus, lundi matin, sur les modalités de fermeture de ces 17 réacteurs, notamment en matière d'emploi.
2Quel est le parc nucléaire actuel ?
Il est composé de 19 centrales et de 58 réacteurs en activité, tous exploités par EDF, détenu à quelque 83% par l'Etat. Ce parc nucléaire est vieillissant : les trois-quarts des réacteurs auront atteint leurs 40 ans de vie d'ici à 2027. "Fermer 17 réacteurs revient à n'en prolonger quasiment aucun. D'ici à la fin du quinquennat, 23 réacteurs arriveront à l'âge de 40 ans, ce qui correspond à leur fermeture s'ils ne sont pas prolongés", explique une étude de Colombus Consulting citée par le Huffington Post.
La prolongation de leur durée de vie au-delà de 40 ans est suspendue à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui devrait se prononcer "plutôt en 2019" sur la question, a rappelé lundi une porte-parole de l'ASN. Pour EDF, une telle prolongation permettrait de préparer plus sereinement le remplacement de son parc, mais cela impliquerait 48 milliards d'euros d'investissements sur la période 2014-2025 dans le "grand carénage", programme de maintenance lourde des centrales.
"Nous nous conformerons à la Programmation pluriannuelle énergétique", ou PPE, la feuille de route énergétique de la France créée par la loi sur la transition énergétique, a indiqué une porte-parole d'EDF, sans commenter directement les déclarations du ministre.
3Dix-sept réacteurs fermés en 2025, est-ce faisable ?
De nombreux experts jugent l'échéance de 2025 difficile à tenir. Le nucléaire représente actuellement 75% de la production d'énergie dans le pays. Les capacités de production d'électricité à partir du charbon et du fioul sont en baisse, tandis que le développement des énergies renouvelables (éolien, solaire) est confronté à différents défis technologiques, notamment en matière de stockage d'énergie. "La plus grosse difficulté, c'est l'intermittence", souligne François-Marie Bréon, chercheur au laboratoire des Sciences du climat et de l'environnement.
L'éolien et le solaire "sont des énergies fatales – qui arrivent quand les conditions météorologiques sont favorables – donc on est obligé d'avoir autre chose" en complément, pour prendre le relais, détaille-t-il. Face aux risques d'approvisionnement énergétique, la France serait amenée, selon cet expert, à utiliser des centrales thermiques au gaz, émettrices de CO2.
Dans ce cas de figure, la France pourrait avoir des difficultés à tenir ses engagements de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Elle ambitionne d'atteindre en 2030 une diminution de 40% par rapport au niveau de 1990.
4Quelles sont les réactions politiques ?
Elles sont partagées. Du côté des opposants au nucléaire, c'est la satisfaction. L'ancienne ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, s'était toujours refusée à chiffrer le nombre de réacteurs à fermer. Elle avait seulement évoqué "le non-redémarrage de deux à six réacteurs" à l’horizon 2023. "C'est une annonce extrêmement intéressante, parce que, pour la première fois, on a un chiffre et un gouvernement qui brise le dogme de la non-fermeture", a réagi Charlotte Mijeon, une des porte-parole du réseau Sortir du nucléaire, tout en invitant Nicolas Hulot "à concrétiser cette annonce et à aller plus loin". Même réaction, sur Twitter, du directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard.
Ne boudons pas notre plaisir, c'est la 1ére fois qu'un ministre avance un chiffre. Maintenant, faire face aux lobbies et passer à l'acte ! https://t.co/6tgpsuEIeZ
— J-F Julliard (@jfjulliard) 10 juillet 2017
Du côté des partisans de l'atome, c'est la levée de boucliers. Florian Philippot, vice-président du Front national, a ainsi fustigé une annonce "démagogique" et "dangereuse". "Fermer autant de réacteurs en un temps aussi court est (...) particulièrement irresponsable et se fera soit au détriment du pouvoir d'achat des Français, soit au détriment de la planète, soit les deux, s'il s'agit d'importer de l'électricité en provenance des centrales à charbon allemandes par exemple", a estimé l'eurodéputé.
La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin), doyenne du parc nucléaire français, a déjà été difficilement actée, dans les derniers jours du quinquennat de François Hollande. Elle ne devrait intervenir qu'au moment de la mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche), prévue pour l'instant en 2019.
Cette fermeture est, d'ores et déjà, vivement contestée par des élus régionaux et les syndicats d'EDF. De quoi augurer d'autres difficultés en cas de fermetures supplémentaires, notamment sur le plan économique. "Chaque réacteur a une situation économique, sociale et même de sécurité très différente", a reconnu Nicolas Hulot, indiquant vouloir mener les fermetures de manière "non symbolique" et "non dogmatique".
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